La proposition de Loi du Président Macron sur la fin de vie nous a amené, en doyenné, à refaire le point sur la question en faisant appel au service « Eglise et Bioéthique » de notre diocèse. Nous avons donc accueilli Katia Mickael, vierge consacrée, médecin gériatre, diplômée en théologie sur les questions de bioéthique et responsable du service diocésain à venir nous éclairer sur les enjeux de cette future possible loi.

 

A. Rappel historique

Le 1er code d’éthique médical a été fondé après le procès de Nuremberg en août 1947 suite aux expériences faites par les médecins nazis sur les humains.

En France, la 1ère loi apparait en 1994 suite à la question des dons d’organes, de la PMA et du diagnostic prénatale.

Puis en 2004, 2011, la Loi Claeys/Léonetti en 2016, 2018; 2021; 2022, 2024.

 

Ces lois s’appuient sur des notions stables définies par la Déclaration Universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme qui ont fait l’objet d’une Résolution de l’UNESCO, le 19 octobre 2005. Elle renvoie :

– à l’exigence du respect de la vie et de la dignité humaine,

– aux notions de l’intérêt de l’enfant,

– à la protection des plus vulnérables,

– au refus de l’eugénisme,

– à la responsabilité personnelle,

– au libre arbitre,

– à la liberté de la recherche,

– au progrès des connaissances médicales.

 De ces principes fondamentaux, les légistes ont ensuite élaboré des correspondants juridiques : le respect de la dignité de la personne humaine, l’inviolabilité et l’indisponibilité du corps humain, l’indivisibilité du corps et de l’esprit, le respect de l’être humain dès le commencement de la vie, l’intégrité de l’espèce humaine.

 

B. Les différentes étapes

 2016 : Loi Clays/Léonetti.

C’est une spécificité de la loi française : pas d’acharnement thérapeutique mais pas d’aide à mourir.

L’interdit de tuer n’est pas levé.

– pas d’abandon des gens en fin de vie : engagement des bénévoles.

– pas de souffrance : sidération profonde et continue jusqu’au décès.

– pas d’acharnement thérapeutique.

Mais toute personne est libre ou non d’accepter ou de refuser un traitement.

Toute personne peut aussi rédiger des directives anticipées au cas où elles seraient un jour dans l’impossibilité de s’exprimer et sa décision s’impose au médecin.

 

2023 : convention citoyenne.

184 personnes de tout bord réfléchissent sur la fin de vie : la loi est adaptée ou faut-il faire des changements ?

Après 27 jours de travail, 76% de la convention se positionnent pour une aide active à mourir avec des conditions.

Conclusions :

– La cadre d’accompagnement de la fin de vie n’est pas adapté aux différentes situations rencontrées.

  1. inégalité d’accès à cet accompagnement, entre la ville et la campagne et entre les départements.
  2. absences de réponses à certaines situations.

=> ouverture à la fin de vie :

– respecter la liberté des citoyens

– principaux critères travaillées : discernement, incurabilité, pronostic vital engagé, souffrances (réfractaires physiques, psychiques, existentielles) âge.

 

Garde-fous :  les soignants doivent pouvoir faire valoir une clause de consciences pour ne pas participer à la procédure de l’acte. Donc il faut réorienter vers un autre professionnel.

Mais toute loi risque toujours d’être détournée.

 

C. 2024 (10 mars), la proposition du président de la République en faveur d’une assistance à mourir

 Marie de Hennezel dit : « on meurt mal en France ».

– La médecine ne sait pas prodiguer les soins de fin de vie.

– les conditions de la vie des personnes âgées ne sont plus dignes.

 Mais seulement 11% des personnes de plus de 50 ans ont rédigé leurs recommandations.

98 % des personnes qui reçoivent des soins palliatifs abandonnent l’aide active à mourir.

75 % des personnes en fin de vie ne prennent pas le médicament qui leur est donné pour finir leur vie.

 

Arguments en faveur de la fin de vie :

– Les soins palliatifs coûtent chers à l’état, aux mutuels.

 

Condition de l’aide à mourir

– Réservée à ceux qui en font la demande.

– Personnes majeures

– Capables d’un discernement plein et entier.

– Pronostic vital à court et moyen terme (6 mois).

– souffrance, physiques ou psychologiques réfractaires.

– Il revient à une équipe médicale de décider.

 

Comment ?

– administration par la personne elle-même ou une personne volontaire qu’elle désigne, un médecin ou un infirmier.

– aucun lieu n’est exclu : domicile, Ehpad, établissement de soins.

– délais : 2 j pour réfléchir à la demande ; 15 j pour l’équipe médicale pour répondre et la réponse est valable 3 mois.

– couverture par la sécurité sociale.

 

Stratégie décennale

1 milliard d’euros sur 10 ans.

– Pour des équipes mobiles pour la prise en charge de la douleur.

– La pédiatrie.

– L’accompagnement à domicile

– Les unités de soins palliatifs dans les départements qui n’en ont pas encore.

 

D. La réponse de l’Église

 A été donnée en 2018, à la suite des états généraux de l’Eglise :

Les évêques ont publié « oui à la fraternité ».

Ils notent le manque de moyens pour pratiquer les soins palliatifs et le manque de formation.

6 raisons du « non » des évêques :

– donner du temps à la loi de 2016 pour garantir une fin de vie apaisée.

– comment l’état pourrait continuer à faire de la prévention du suicide et faire respecter l’impératif civilisateur  » tu ne tueras pas » ?

– sauvegarder la vocation de la médecine qui est un pacte de confiance.

– clause de conscience pour protéger les soignants.

– nos choix personnels ont une dimension collective. Quand une personne se suicide, c’est toute la famille qui souffre.

– quelle institution va mettre en œuvre l’aide médical à mourir et avec quel financement ? questionnement des malades qui auront tendance à penser qu’ils sont une charge et demanderont à en finir.

 

Conclusion : la valeur de la vie est hiérarchiquement supérieure à la fin de vie.

 

E. Les réactions à cette proposition de loi

– ouvre à la voie de l’aide active à mourir et à l’euthanasie.

– l’assistance d’un tiers. Grande culpabilité secondaire des personnes qui ont accompagné quelqu’un.

– la clause de conscience n’est pas citée.

– soigner par la mort n’est pas un soin.

– ambiguïté sur l’usage des mots surtout ceux de la fraternité. C’est une tromperie.

– publication d’un communiqué des évêques de France réunis à Lourdes.