Mot d’accueil de la messe par Agnès (responsable SEM)
Les hasards du calendrier nous font célébrer en même temps ce 11 Février : la journée mondiale des malades
et la journée nationale du dimanche de la santé. Bien souvent, on ne pense qu’aux malades or, l’enjeu de cette journée est de prendre en compte, en même temps, les malades et ceux qui les soignent ou se mettent à leur service.
Rendons hommage à ceux qui prennent soin d’eux : médecins, infirmiers, aides-soignants, agents de propreté hospitalière, cuisiniers, auxiliaires de vie, aidants et proches, les équipes du SEM (Service Evangélique des Malades), les équipes d’aumônerie, les blouses roses et autres associations, sans oublier les chercheurs qui luttent pour faire avancer le traitement. Ces soignants œuvrent parfois dans l’ombre, et sont pourtant essentiels.
De plus, les textes de ce jour nous parlent des lépreux. Cette lèpre, aujourd’hui, s’appelle maladie, handicap ou grand âge, différence, chômage, précarité …. Il est sans aucun doute, de notre responsabilité à chacun, qu’il n’y ait d’exclu, ni sur notre terre, ni dans notre Eglise !
Témoignage de Liliane
Je suis sage-femme à la maternité de Rochefort. Quand je dis cela, souvent on me répond : » quel beau métier » et c’est vrai. Quand, en salle de naissance, je pose le bébé sur la poitrine de sa maman, quand je vois les parents si émus en découvrant leur petit, quand je vois cet échange de regard entre eux, leur émotion, alors je m’émerveille, je m’émerveille avec eux devant cette Vie qui vient et nous dépasse, devant ce mystère comme à la crèche il y a 2000 ans.
Mais avant cela , les contractions sont quelques fois intenses, les parents anxieux, alors je m’appuie sur ma foi, j’appelle intérieurement l’Esprit Saint, je lui demande de me souffler les paroles, les attitudes justes pour aider cette maman, ces parents à découvrir au fond d’eux des forces, des compétences qu’ils n’imaginent pas toujours avoir. C’est cette paix intérieure reçue alors qui me permets de rester disponible et aidante pour ces couples qui ont besoin.
Et puis, malheureusement, 1 ou 2 fois sur mille, il arrive que la vie s’arrête avant même la naissance ; alors c’est un drame inouï que vivent les parents. L’ensemble de l’équipe essaie alors d’adoucir autant que possible ce que vont devoir traverser les parents. Puis ils devront rentrer chez eux. Il existe alors des associations dont » SPAMA « que j’ai rejoint, qui forment des bénévoles à l’écoute bienveillante. Les parents peuvent alors être écoutés autant qu’ils le souhaitent par téléphone, ou encore participer à un blog par internet ou encore rejoindre des groupes de paroles de parents endeuillés. Pour la première fois ces groupes vont être créés à Surgères une fois tous les 2 mois.
Témoignage de Myriam
J’exerce le métier de masseur kinésithérapeute et en tant que soignante, ma vie quotidienne est liée de près à des personnes malades ou en situation de handicap et le lien entre le travail et la vie spirituelle se fait assez naturellement. J’arrive presque à la retraite et je pense que j’ai eu de la chance d’exercer ce métier dans de bonnes conditions. La plupart du temps, j’ai travaillé dans des structures qui m’ont permis une pratique professionnelle conforme à la façon dont j’envisageais mon travail et à mes convictions. J’ai pu prendre soin des personnes dans leur globalité et pas seulement faire des séances de rééducation et c’est encore le cas aujourd’hui. J’ai travaillé une longue période avec des jeunes en situation de handicap. Ils ont beaucoup contribué à faire grandir ma foi. Comme les enfants, ils ont un sixième sens et disent les choses sans filtre. Les jeunes étaient en centre pour plusieurs années et on les accompagnait dans toutes les dimensions de leur vie. Notre relation était vraie. Je connaissais leurs fragilités et sans le savoir, ils me révélaient les miennes. À l’époque, je me sentais solide, bien enracinée dans ma foi, je tenais le cap. Cette confiance en moi faisait que j’avais l’impression de pouvoir me débrouiller toute seule sans avoir besoin de la grâce du Seigneur. Grâce à eux, je me suis laissé rejoindre, j’ai accepté de me fissurer, de regarder un peu plus mes faiblesses en face et de reconnaître que j’avais besoin moi aussi d’accepter que le Seigneur prenne soin de moi. Aujourd’hui, je travaille en Ehpad et là aussi l’accompagnement est global. Les personnes sont en grande souffrance de devenir dépendantes et une attitude de respect, d’écoute, de bienveillance est essentielle. Évidemment, je ne fais pas une Kinésithérapie de pointe, ce n’est même pas de la rééducation, mais plutôt de la réadaptation. Il s’agit en effet pour les résidents d’arriver à consentir à « faire avec leurs déficiences », à faire le deuil de ce qu’elles étaient et c’est tellement difficile. Moi qui suis toujours pressée et qui aime bien être « efficace », je dois ralentir, privilégier la relation au résultat. Je continue de solliciter, même si je me fais envoyer promener régulièrement. Et Je me dis que le Seigneur fait la même chose avec moi…Même si je ne parle pas de ma foi, sauf si on m’interroge, certaines personnes me demandent de prier pour elles et ça me fait plaisir qu’elles aient compris.
Témoignage de Ghislaine
Cadre de Santé, Formatrice en IFSI (Institut de Formation en Soins Infirmiers), mon métier consiste à former et accompagner les étudiants de tous âges dans leur projet professionnel : devenir infirmier(e). Et j’observe que l’attention portée à autrui, que le don de soi, que le prendre soin restent des valeurs profondément ancrées dans le cœur des futurs candidat(es) malgré des conditions d’exercice de plus en plus difficiles : manque de personnel, évolution des pathologies chroniques, apparition de nouvelles épidémies, augmentation du vieillissement de la population et les techniques médicales qui évoluent très rapidement demandant une réactivité et une adaptation sans faille.
Le respect du principe de laïcité demandé à tout fonctionnaire demeure une exigence dans mon travail. Alors comment mon activité professionnelle fait-elle grandir ma Foi ? Comment cette dernière m’aide telle à exercer ma fonction de formatrice au mieux ?
Cela commence tout d’abord par l’accueil réservé à l’étudiant(e). Un accueil empreint d’écoute, de compréhension de son projet professionnel, de sa capacité à mobiliser ses ressources, de ses expériences personnelles mais aussi de ses difficultés. Difficultés qui peuvent être de tous ordres : physiques, psychologiques, personnelles, familiales, sociales, financières.
La formation infirmière demande un lourd investissement tant en théorie qu’en pratique. En 1er lieu, je me réjouis toujours lorsque l’étudiant(e) va bien et qu’il réussit. Je remercie le Seigneur pour cela.
Il est important de rappeler qu’une enquête menée en 2022 par la FNESI (Fédération Nationale des Etudiants en Sciences Infirmières) relève un mal-être chez les étudiant(es) infirmier(es). En 2021, 10% des étudiants(es) ont abandonné leurs études en 1ère année, 7% en 2ème année et 4% en 3ème année. Si le désir d’exercer le métier de soignant est bien prégnant, la réalité nous montre que cela n’est pas si simple. Rappelons à toutes fins utiles que d’autres formations paramédicales sont également affectées par une hausse des abandons.
Face à ces constats et au regard de ma Foi que faire ?
- Premièrement ne jamais désespérer, il semble simple de leur dire mais le vivre au quotidien reste un défi. Dans notre société où il est demandé d’être performant, comment faire comprendre à l’étudiant(e) qu’il a sa place dans notre monde que ce soit dans le soin ou ailleurs.
- Deuxièmement, il s’agit pour moi de ne pas perdre le cap et de garder l’exigence et la rigueur attendues dans le cadre de la formation afin que les futur(es) professionnel(les) deviennent des infirmiers(es) responsables, réflexifs et autonomes. Il n’est pas toujours facile pour des jeunes en devenir professionnel d’aborder et de comprendre que la recherche de l’excellence dans les apprentissages est un challenge de tous les jours.
- Troisièmement, ne pas hésiter à soutenir, encourager, féliciter lorsque l’étudiant(e) progresse, se positionne en tant qu’acteur/actrice de sa formation. L’inviter et le raffermir dans sa capacité à garder confiance en lui malgré les apparences qui peuvent parfois le décourager.
- Quatrièmement, faire preuve d’honnêteté, avoir le courage et oser exprimer à l’étudiant(e) que le niveau attendu n’est pas acquis et que face aux difficultés rencontrées, le projet professionnel demande à être suspendu voire arrêté définitivement. C’est pour moi un moment très particulier, une étape complexe et une tâche ardue. Comment éviter qu’un étudiant(e) qui a mis tous ses espoirs dans une formation ne s’écroule ? Comment l’aider à comprendre que l’engagement dans les études d’infirmier(es) demande une disponibilité cognitive et psychique ? Comment lui faire comprendre qu’il ne s’agit pas d’un échec mais de la possibilité de prendre soin de lui avant de prendre soin d’autrui ? De prendre du recul afin de pouvoir rebondir et être en capacité le moment voulu d’offrir des soins de qualité et en toute sécurité. De profiter de cette pause afin de mieux se connaître pour pouvoir aborder de manière plus sereine son futur métier.
A travers ces différents points ma responsabilité de formatrice est engagée. La mobilisation de ma Foi reste très discrète cependant je la mobilise à travers l’énergie que je peux donner pour que l’étudiant(e) réussisse mais pas à tout prix. Permettre à l’étudiant(e) de reconnaitre que son orientation professionnelle est à revoir et pour moi une marque de respect non seulement pour Lui mais pour tous les futurs patients qu’il aurait eu en soins. Une Foi simple et silencieuse qui me permet de m’adresser au Seigneur afin qu’il m’éclaire et m’aide à trouver les mots justes lorsque cela est nécessaire et qu’Il protège et guide l’étudiant vers sa destinée pour la Gloire de son Nom.