Voilà dix jeunes filles qui se sont assoupies et endormies écrit l’évangéliste. Elles attendaient que l’époux les rejoigne pour la noce mais elles se sont impatientées ! L’attente a été longue et l’arrivée de l’époux dans la nuit a surpris les dix jeunes filles dans leur sommeil.
Cette longue attente dans la nuit rejoint le chemin de beaucoup. Il y a ceux qui ont cherché un signe, une preuve de la présence de Dieu et se sont découragés d’attendre. Il y a ceux qui se sont fatigués de prier, comme cette femme rencontrée cette semaine me parlant de la maladie de son fils et des longues prières sans réponse. Il y a cet ami handicapé à qui je pense souvent, enfermé dans sa chambre d’hôpital ne pouvant recevoir de visite et sans doute pas assez pris en charge comme il le devrait. C’est moi qui là, me sent impuissant, en attente de solutions pour lui venir en aide. Il y ceux qui attendent d’être aimé, écouté, considéré, bref d’exister, qui attendent une visite, un appel. Il y a ceux enfin qui attentent de retrouver la santé, des forces. Il y a enfin l’attente de chacun à retrouver une vie « normale » sans toutes ces restrictions sanitaires. Ce sont des attentes fatigantes, angoissantes, épuisantes. Les attentes sont diverses mais elles rejoignent toujours une soif profonde de vie, de sens, de vérité, de reconnaissance et d’amour.
Seul le Christ peut vraiment répondre à ces attentes et à ces soifs. Lui seul peut les combler vraiment. N’a-t-il pas en effet les paroles de la vie éternelle ? N’est-il pas le chemin, la vérité et la vie ? Et celui qui vient à lui n’aura plus jamais faim et celui qui croit en lui n’aura plus jamais soif. « Dieu tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube, mon âme a soif de toi , après toi languit ma chair, terre aride, altérée sans eau» chante le psalmiste. Lorsqu’on est avec Lui, on n’est jamais vraiment seul. Lorsqu’on s’appuie sur Lui, on n’est jamais vraiment perdu. Lorsqu’on tourne son regard vers lui, on n’est jamais vraiment désespéré ni de nous, ni des autres. C’est lorsqu’on ne s’appuie plus sur lui, lorsqu’on ne le regarde plus, lorsqu’on ne s’en remet plus à lui qu’on se retrouve alors dans la nuit, comme ces 10 jeunes filles et qu’on perd patience et qu’on s’endort, une autre manière de dire que l’on meurt.
Ce n’est pas de perdre patience, ni de s’endormir qui est grave, cela est humain. Mais selon l’évangile c’est de ne pas avoir assez d’huile pour sa lampe, c’est de ne pas avoir assez d’espérance pour rester éveillé ou pour se réveiller. L’évangéliste nous dit que les vierges prudentes avaient assez de réserve d’huile alors que les vierges folles ont attendu le dernier moment pour garnir leur lampe, et, à cause de leur négligence, ont trouvé la porte fermée avec cette parole difficile à entendre : « je ne vous connais pas. »
Il me semble que cette huile véritable pour traverser la nuit est justement cette amitié avec Jésus, ce cœur à cœur de tous les jours avec lui, cette familiarité à écouter sa Parole, cette volonté de ne faire plus qu’un avec lui, de demeurer en lui. Sans cela nous risquons en effet de nous perdre, de perdre patience, de perdre confiance, de perdre l’espérance surtout quand la nuit se fait plus noire. Ce temps de confinement nous en fait reprendre conscience plus fortement. Seule l’amitié réelle, profonde et nourrie avec Jésus peut nous aider à demeurer dans une attente confiante. Seule ce compagnonnage peut nous donner les forces dont nous avons besoin. C’est cela dont témoigne saint Claude La Colombière dans cette belle prière : « Jésus, vous êtes le seul et le véritable ami. Vous prenez part à tous mes maux, vous vous en chargez, vous savez le secret de me les tourner en bien, vous m’écoutez avec bonté, lorsque je vous raconte mes afflictions, et vous ne manquez jamais de les adoucir. Je vous trouve toujours et en tout lieu; vous ne vous éloignez jamais (…) Toutes les disgrâces de l’âge ou de la fortune ne peuvent vous détacher de moi; au contraire, je ne jouirai jamais de vous plus pleinement, vous ne serez jamais plus proche que lorsque tout me sera le plus contraire. Vous souffrez mes défauts avec une patience admirable; mes infidélités mêmes, mes ingratitudes ne vous blessent point tellement que vous ne soyez toujours prêt à revenir, si je veux».
« Voici l’époux, sortez à sa rencontre ». L’histoire ne nous dit pas si les prévoyantes avaient pris avec elle leur attestation de déplacement dérogatoire et si les insensés l’avaient oublié. Mais c’est l’invitation qui nous est faite en ces temps troublés que nous vivons. Sortir à la rencontre de l’époux, s’approcher de lui comme je le rappelais dimanche dernier. N’attendons pas le dernier moment pour remplir notre lampe de cette huile de l’amitié avec Jésus. Ces réserves nous seront bien utiles lorsque la nuit sera plus sombre. Mais à peine auront nous commencé à nous mettre en route que Celui qui est la vraie Sagesse sera déjà tout près de nous car lisons-nous dans le livre de la sagesse : « Celui qui la cherche dès l’aurore ne se fatiguera pas : il la trouvera assise à sa porte (…) dans chacune de leurs pensées, elle vient à leur rencontre. Amen