Jésus prêchait sur le « Royaume des cieux ». Il en parlait si bien que ses partisans ont cru voir en lui un Roi. Et ses adversaires de même. Au passage, Jésus parlait souvent du Royaume des cieux mais peu du Roi des cieux.
Il est où ce royaume, c’est pour quand ? C’est quoi au juste ?

L’ expression « Royaume de Dieu » est utilisée 122 fois dans le Nouveau testament.
Le pape émérite Benoît 16, dans ses livres sur Jésus, nous donne 4 interprétations du mot « Royaume de Dieu ».

1° Il y a l’interprétation « mystique ou idéaliste » : il est dans l’intériorité de l’homme. (De fait Jésus parle ici du grain de blé en terre, de la graine de moutarde semée en terre, du levain enfoui dans la farine). Dans les personnes saintes, le Seigneur habite et règne et se promène comme dans un paradis spirituel. L’idée c’est que le royaume des cieux n’est pas un point sur une carte géographique : il grandit et agit dans et depuis l’intériorité de l’homme. Mais cette interprétation tend à dire que Dieu n’est pas une réalité extérieure.

2° Il y a l’interprétation « ecclésiastique » qui met en relation le Royaume et l’Eglise : ce dernier courant est très présent dans la théologie catholique et protestante au 19 et 20ème siècle. On y parlait volontiers de l’Eglise en tant que royaume de Dieu sur la terre, réalisation du royaume dans l’histoire.
Avec ironie et tristesse, le penseur catholique Alfred Loisy, au 19ème siècle disait : « Jésus annonçait le royaume des cieux et c’est l’Eglise qui est venue ».

3° Il y a l’interprétation « eschatologique » ( ce mot désigne la fin du monde, de l’histoire, la fin des temps) : pour le théologien protestant Albert Schweitzer le royaume de Dieu était imminent, il allait apparaître à l’improviste et d’un seul coup.

Si je comprends bien Benoît 16, cette interprétation est très présente actuellement. Dans le monde catholique se développe une vision sécularisée du Royaume.
Une vision du christianisme, des religions, de l’histoire, prétend rendre à nouveau ou enfin accessible le message de Jésus :
on dit ainsi :
avant le Concile, l’Eglise était au centre du christianisme… mais l’Eglise était clivante…
après le Concile on est passé au christocentrisme , le Christ au centre… mais le Christ est clivant…
donc on est passé au théocentrisme, à une communauté de religions… mais Dieu divise aussi…
Il faudrait franchir le pas menant au régno-centrisme, mettre le Royaume au centre.
Royaume désignerait simplement un monde où règne la paix et la justice, et où la création est préservée, rien d’autre. Ce serait la finalité de l’histoire, et la véritable mission des religions serait de travailler ensemble à l’avènement du royaume. Pour le reste les religions pourraient maintenir leurs traditions, identités respectives, mais devraient collaborer pour un monde de paix, justice et respect de la création.
Commentaire de Benoît XVI : « L’idée paraît séduisante. Tout ce raisonnement s’avère être un bavardage utopique sans contenu réel. Ce que l’on constate surtout, c’est que Dieu a disparu et que l’homme est seul à agir. Le respect des traditions religieuses n’est qu’apparent. On les instrumentalise à des fins politiques pour aménager le monde. Il est inquiétant de constater à quel point cette vision post-chrétienne de la foi et de la religion est proche de la troisième tentation de Jésus. »

4° La meilleure interprétation selon Benoît 16 est que le « Christ » renvoie à lui-même : le Royaume de Dieu c’est Lui-même. Et le royaume n’est pas là de par la simple présence physique de Jésus mais il l’est à travers son action dans l’Esprit Saint.
Les temps sont accomplis depuis que Dieu est entré dans l’histoire d’une manière tout à fait nouvelle, en s’incarnant, en Jésus, et en nous donnant son Esprit.

Aujourd’hui, Baudouin va faire sa première communion.
Communier à la messe, c’est passer tout au long de notre vie du Royaume au Roi. Un peu comme si vous voyez des traces de pas sur un chemin, et vous marchez dans la même direction, et de plus en plus vite, pour retrouver celui qui est devant.

Les gens qui chassent savent bien lire les traces sur le sol. Ils vous disent, ça c’est un sanglier, ça c’est les traces d’une biche, ça c’est un ours ; nous sommes futés pour lire les traces.
Hé bien l’Eucharistie, c’est suivre les traces de Jésus , remonter le cours de sa vie pour arriver jusqu’à Lui.

Chaque communion c’est une trace de plus. Parfois dans la poussière, parfois sur le sable, parfois sur la neige, dans la boue, ou dans l’herbe.
Avec l’œil de la foi, et la force de la volonté, chaque communion va nous rapprocher, nous emporter vers Jésus lui-même. Amen.