« Vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. »

Jésus promet à ses disciples qu’ils le « verront », après sa résurrection.

Eux ne comprennent pas sur le moment le sens de ces paroles, où Jésus s’en va. Certes, il y a déjà des exemples dans la vie d’Israël de personnes mortes rappelées à la vie : ainsi le prophète Elisée avait redonné la vie à un enfant mort.

Et les disciples eux-mêmes ont vu de leurs yeux ou entendu parler de ce que Jésus a fait : il a ressuscité Lazare mort depuis trois jours, il a redonné un enfant qui était mort à sa mère.

Cependant Jésus leur parle d’autre chose, sinon il ne dirait pas aux disciples : « vous vivrez vous aussi ».

Pourquoi dire cela, ces paroles étranges ? Nous vivons déjà non ?!

En fait Jésus s’apprête à mettre bientôt devant eux la vie éternelle. Il ne va pas mourir et revenir à une vie mortelle. Il va mourir et ressusciter pour la vie éternelle, celle de Dieu.

Vous et moi sommes mortels actuellement. La peur de mourir n’est pas loin quand la maladie menace. La fragilité se rappelle à nous très vite, sur une simple rage de dent.

Jésus parle de le « voir » mais autrement : il se montrera dans son humanité « incorruptible », réalisant les Ecritures : « Mon coeur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance : tu ne peux m’abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption » (ps 15, 9-10).

Le mouvement ne sera pas descendant, vers la mort, vers la poussière : le mouvement sera ascendant, vers le ciel. Ainsi nous fêterons Jeudi la solennité de l’Ascension : la vie imaginée par Dieu pour les hommes et rendue impossible par le péché originel, sera rendue possible. Ce sera la résurrection, la deuxième vie, éternelle celle-là. Dieu nous crée et nous sauve.

Nous allons donc retrouver le principe de la vie, le principe vital, l’origine de la vie, sa source, le foyer de son soleil : la Sainte Trinité.

Nous ne serons pas comme l’imaginent les musulmans près de Dieu, nous au rez- de-chaussée et Lui à l’étage, non : Dieu sera « en » nous et nous « en » Dieu. Nous ferons Un avec la sainte Trinité et donc un entre nous. Nous ne serons plus divisés, en guerre avec Dieu, entre nous et avec la création.

C’est pourquoi le psaume de ce dimanche prophétise sur la création : « Toute la terre se prosterne devant toi, elle chante pour toi, elle chante pour ton nom. ».

Tout réuni en Dieu. Voilà ce qui nous attend. Ce que Jésus allait mettre sous les yeux des disciples en se montrant ressuscité.

Le temps pascal est à vivre autrement. En donnant à Dieu notre confiance, notre coeur : c’est la foi. En projetant notre regard vers le ciel telle une ancre arrimée qui garde unis : c’est l’espérance. En obéissant au commandement donné par Jésus : c’est l’amour.

Beaucoup de gens sont vivants mais la vie leur est un fardeau.

Beaucoup de jeunes vivent sans le goût de vivre.

Beaucoup d’adultes ont la tête qui explosent sous les soucis et les préoccupations.

C’est une vie mais ce n’est pas la Vie.

Vivre sans le goût de vivre, ce n’est pas le bonheur promis par Dieu. C’est seulement l’expérience universelle depuis la chute d’Adam et Eve. C’est la vie loin de Dieu.

Nous mêmes, pourtant « disciples » de Jésus, sommes souvent vite repris par les soucis du monde, et perdons vite le goût de vivre. Car nous marchons en arrière. Au lieu de vivre le temps pascal, nous vivons le Carême. Au lieu d’espérer l’Ascension nous nous laissons entraîner par la gravité matérielle. Au lieu d’attendre le Défenseur, l’Esprit Saint donné et promis par Jésus, nous vivons seulement du nôtre, comme les disciples « avant » la Résurrection de Jésus. Avec foi et quelques bonnes oeuvres, mais sans avoir vu le Christ ressuscité, ni touché ses mains, ses pieds, son côté.

Alors Jésus nous fait cette belle promesse : « vous vivrez ». C’est lui qui fera tout, pour nous.

Et nous le verrons ressuscité, et le feu s’allumera en nous de la vie divine. Alors vient la passion de défendre non seulement notre peau mais nos frères, car nous donnerons notre peau pour nos frères et soeurs. Alors nous « vivons » au sens où l’entend Jésus. La vie divine et humaine unies en nous sont indissociables.

« Vivre » selon Jésus, ce n’est plus boire et servir de l’eau. C’est boire et servir l’Esprit.

Quand vous versez de la grenadine dans l’eau et agitez, l’eau et le sirop ne font plus qu’un.

Comme la grenadine et l’eau ne font plus qu’un, la vie divine et humaine sont en nous depuis la Pentecôte.

L’Esprit distribue ses dons. Nous ne savons pas tout faire, seul Jésus le peut.

Chacun a une chose à faire, une mission ; ensemble nous reflétons le Christ.

Au nom du Christ, le père Mathieu Dauchez s’occupe des enfants des rues de Manille, sœur Emmanuelle des chiffonniers du Caire, le chef d’état …de son pays, le cordonnier des chaussures pour que ces trois là ne marchent pas pieds nus ; le paysan, l’artisan, l’ouvrier incarnent le Christ au travail dans l’atelier, le dominicain incarne le Christ qui prêche, les missionnaires de la charité (mère Térésa) incarnent le Christ qui soigne, le vieux alité en fin de vie incarne le Christ crucifié.

Eux tous rendent compte au monde de leur baptême d’eau et d’Esprit.

N’oublions pas la grenadine.

Christ est ressuscité, vivons de Sa vie, amen.