On peut classer en deux catégories les passages de la Parole de Dieu : Ceux qui nous invitent à la réflexion et qu’il nous faut expliquer et ceux qui appellent la contemplation et qu’il est plus ardu de commenter. Ceux là nous invitent surtout à la méditation, et alors l’Esprit Saint lui-même est notre premier enseignant.
Le récit de la Passion tel que le rapporte Saint-Jean et qui est lu chaque année le jour du vendredi saint fait partie de cette seconde catégorie. Il ne se commente pas, il se laisse contempler et invite au recueillement.
Et c’est sur ce chemin que ces quelques lignes voudraient vous entraîner.
En premier lieu, il ne faut pas poursuivre plus avant ces quelques lignes sans avoir auparavant relu lentement et posément tout ce récit de la Passion, seul ou en petit groupe, selon ce que les circonstances permettront.
Ensuite, après avoir laissé entrer dans votre esprit les différentes scènes et images de ce récit, Devenez le témoin sidéré de cet épisode terrible de la vie du Christ. Invoquez l’Esprit Saint. Demandez-lui de vous faire la grâce de vous tenir réellement, physiquement auprès du Seigneur tout au long de ces heures dramatiques. Joignez-vous à ces groupes qui accompagnent Jésus sur son chemin de croix. Soyez avec ces femmes de Jérusalem qui pleurent au passage du crucifié, soyez Simon de Cyrène bien présent même si Saint-Jean n’en parle pas. Restez dans le groupe des disciples terrifiés, prêts à s’enfuir, à tout abandonner. Peut-être aussi rejoindrez-vous cette troupe de fous furieux, vociférant, insultant, se moquant du crucifié. Et après tout cela restez en silence avec Marie au pied de la croix. Venez partager la détresse la souffrance et la soif de Jésus au moment de mourir.
Ce n’est qu’après que vous reprendrez le fil de cette lecture. De ce récit de la Passion, qu’avez-vous retenu ? Quelles impressions en retirez-vous ? Quelles résolutions prenez-vous ?
Je vous livrerai pour ma part ces quelques réflexions.
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Jésus privé de sa liberté, réduit à l’impuissance
Lors de son arrestation, les gardes se « saisissent » de Jésus, il est ligoté. Lui, Fils de Dieu va jusqu’au bout de son incarnation. Il vient partager les limites de la condition humaine. Sa liberté physique est entravée. Il n’est plus libre de s’échapper, de circuler, d’aller là où il veut.
Ainsi se fait-il proche de tous ceux dont la liberté est entravée, de tous les prisonniers injustement condamnés, mais aussi de tous ceux qui sont déracinés et n’ont même pas la possibilité de grandir et de vivre sur la terre où ils sont nés.
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Jésus souffre dans sa chair
Ce récit est très concret. Nous pouvons avoir tendance à le « spiritualiser » en nous répandant en méditations douloureusement gémissantes. Prenons garde à ne pas nous évader de la réalité. Jésus souffre réellement, il est giflé à plusieurs reprises, on lui pose une couronne d’épines sur la tête, il est flagellé. Il fait froid, puisque Pierre se réchauffe. La croix est très lourde, la blessure des clous atroce comme est atroce l’étouffement dont le Seigneur va mourir.
La passion du Christ n’est pas une apparence, elle n’est pas une idée, elle n’est pas un concept. Jésus rejoint au plus près tous ceux qui aujourd’hui, en ce moment même vivent leur passion et leur mort, nous peut-être demain. Que cette méditation soit pour nous l’occasion de réfléchir aux violences que nous imposons à notre corps, au corps des autres. Observons comment notre société permissive a laissé se développer toutes sortes de violences et de pratiques diverses qui ruinent et détruisent la vie humaine et la création voulue par Dieu
belle et bonne
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« J’ai soif »
Cette réflexion suit ce qui précède. Et moi de quoi ai-je soif ? De plus de liberté ? De plus de richesses ? De plus de pouvoir ? Ou au contraire, comme le Christ, de cette paix qui est toujours le fruit d’une union plus intime à Dieu et à nos frères ? Prenons le temps de nous poser la question.
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Joseph vint enlever le corps de Jésus
Le Fils de Dieu, n’a plus visage humain, il n’est même plus un homme. Il est une chose, un objet inanimé, un cadavre, il n’est plus rien. Il est soumis à ceux qui vont le « lier de linges », comme la Vierge Marie au jour de sa naissance l’avait vêtu de langes lorsque fragile nourrisson il dépendait en tous des soins de ses parents. Il est déposé dans l’obscurité de ce tombeau froid qui n’avait jamais servi.
Jésus ne peut plus rien et c’est alors qu’en secret va germer la création nouvelle qui se manifestera au matin de Pâques. Encore faut-il traverser l’épreuve de la nuit et du silence. C’est la grâce du samedi saint. . La Vierge Marie, à elle seule porte l’espérance du monde. Elle est la préfiguration de l’Église.
C’est elle que nous pouvons prier en ce moment. Peut-être pourrions-nous reprendre, chacun pour nous, si nous n’avons la possibilité de nous retrouver cette si belle prière du vendredi saint, nous attardant quelques instants sur ceux qui souffrent, et sur l’Église, corps du Christ, corps déformé et défiguré par le péché de ses membres, corps attaqué de toutes parts, corps conspué, moqué, ridiculisé, critiqué parfois par ses propres enfants.
Par l’intercession de la Sainte Vierge, demandons au Seigneur de nous faire la grâce de prendre notre place dans cette Eglise afin de rappeler au monde de quel amour il est aimé, quelle espérance est la nôtre au milieu des angoisses et des interrogations de cette vie si brûlantes en ce moment.
Père Bernard de Lisle