« Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. »
Quel est ce sommeil dont parle Jésus ?
– C’est d’abord celui de Lazare : son « ami », qui est « mort ».
Le mot « sommeil », bien plus doux que le mot et la réalité de la mort, nous montre la douceur de Jésus, cette parole et ce regard unique sur l’humanité. Il regarde chacun et l’appelle « ami » (même Judas à la Passion).
Cette douceur de Jésus révèle les entrailles de Dieu, on le voit et l’entend : « Jésus pleura ».
La réalité est dure : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. » Ainsi nous recevons chaque jour le nombre de morts par pays, d’infections. On tient le compte des morts, comme d’un grand « tombeau ».
Devant cette réalité, l’Ancien et le Nouveau Testament proclament le « Dieu des vivants ».
Ainsi dans l’Ancien testament, Dieu répète à Ézéchiel : « J’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! ».
La promesse de la résurrection devient réalité avec Jésus ; réalité plus forte que la réalité de la mort. Le « sommeil » de Lazare annonçait son « réveil » : Jésus va manifester la « gloire de Dieu » : il ressuscite Lazare.
– Au-delà de Lazare, il y a « notre » sommeil.
Devant cela, en Jésus, pas de révolte impuissante mais la douceur souveraine du « maître » ; il promène un regard doux sur notre sommeil, notre monde dévasté.
Il y a le sommeil des chrétiens qui laissent tomber Jésus (cf Luc 22,46).
Ces mêmes chrétiens se font alliés de leur adversaires dans « toutes ces tentatives d’anesthésie (…) incapables de faire appel à nos racines et d’évoquer la mémoire de nos anciens, en nous privant de l’immunité nécessaire pour affronter l’adversité » (Pape François dans sa prière vendredi pour la fin de la pandémie).
Craignons davantage ce qui peut tuer l’âme que ce qui peut tuer le corps !
Saint Paul nous révèle dans la seconde lecture : ce n’est pas le corps (la chair) qui fait vivre l’esprit, c’est l’esprit qui fait vivre le corps. Et c’est l’Esprit avec un E majuscule (la troisième personne de la Trinité) qui fait vivre les deux.
Cette « emprise de l’Esprit » est la promesse de notre « résurrection », aussi vrai que le Christ est ressuscité. Vivons chaque jour sous l’emprise de l’Esprit !
Il est édifiant de constater en ce moment l’action douce, puissante et unitive de l’Esprit Saint : « … C’est la vie de l’Esprit capable de racheter, de valoriser et de montrer comment nos vies sont tissées et soutenues par des personnes ordinaires, souvent oubliées, qui ne font pas la une des journaux et des revues ni n’apparaissent dans les grands défilés du dernier show mais qui, sans aucun doute, sont en train d’écrire aujourd’hui les évènements décisifs de notre histoire : médecins, infirmiers et infirmières, employés de supermarchés, agents d’entretien, fournisseurs de soin à domicile, transporteurs, forces de l’ordre, volontaires, prêtres, religieuses et tant et tant d’autres qui ont compris que personne ne se sauve tout seul. » (Pape François, idem).
Et l’Esprit veux nous conduire à Jésus.
Notre humanité est versatile, mais aussi dans le sens du bien. C’est-à-dire qu’elle peut passer de l’intention de « lapider » Jésus, à la foi en lui : « Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie, et avaient donc vu ce que Jésus avait fait,
crurent en lui ».
Nous avons probablement à pleurer, et découvrir dans nos larmes à la fois les pleurs des Juifs, et les pleurs de Jésus.
« Beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère. » Mais ils ne pouvaient pas ressusciter Lazare. Et tout cela se passe dans la maison du mort, dans le deuil.
Quand Jésus arrive, « Marthe partit à sa rencontre ». Pour sa sœur Marie cela prendra plus de temps mais elle finit par sortir, « appelée » par Marthe, et les juifs sortent en « suivant » Marie.
Et dehors, Marie pleure, les Juifs pleurent, Jésus pleure, mais ces larmes sont les mêmes car elles ne sont pas des larmes versées dans l’obscurité : elle le sont dans la lumière du jour, où de leurs yeux, sur l’ordre de Jésus, ils voient ensemble Lazare sortir.
Sommeil de Lazare, et sommeil de notre monde, Dieu vient te visiter en tes frères et soeurs d’humanité.
Dieu vient te réveiller en Jésus.
Il t’appelle à la foi en Lui, à sortir de toi, de ta suffisance, de tes sécurités, et t’abandonner à Lui.
Il est la Résurrection et la vie.
Il pleure avec toi pour que tes larmes se transforment en joie.
Car un ordre suffit de Lui pour rendre le monde à la Vie.
Retrouvons la conscience de Dieu et de son rêve pour la création.