« Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. »

Jésus vient d’appeler un homme à le suivre. L’homme lui a répondu : « Laisse-moi d’abord enterrer mon père ». Nous venons d’entendre la réaction de Jésus.

Elle est d’autant plus surprenante que Jésus, juif, connaît les 10 commandements, notamment celui-ci :« tu honoreras ton père et ta mère ». Pourtant, la parole de Jésus est claire : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, pars, et annonce le règne de Dieu. »

Il y a deux semaines, un cousin de Vendée, ému, m’a appelé en disant : « Maman est malade, ce n’est plus qu’une question d’heures ou de jours. On apprécierait que tu sois là, mais on comprendra qu’ avec tes obligations, ce ne soit pas possible ». Dimanche, il m’a laissé un message : « Les obsèques sont mercredi à 15 heures , vu avec le curé de la paroisse en Vendée ».

Je suis allé présider les obsèques mercredi après-midi. Ai-je regardé en arrière ? Ai-je quitté la nouvelle famille que Dieu m’a donnée, la paroisse de Surgères, pour satisfaire mon ancienne famille ?

Nous ne savons pas quand le papa de Jésus est mort ni l’attitude de Jésus à ce moment là. Les Évangiles ne nous parlent pas de la mort de Joseph.
Mais à l’âge de 12 ans, Jésus a montré à ses parents que la première paternité pour un être humain est une paternité divine. Marie et Joseph l’avaient alors perdu et l’ont cherché, angoissés, trois jours durant et finalement retrouvé dans le Temple de Jérusalem. Il leur répondit : « Ne savez-vous pas que je dois être dans la maison de mon père ? »
La réaction de Jésus ce matin est dans la même ligne.

Nous avons chacun une famille naturelle, un papa et une maman mais Jésus nous montre un trésor commun à découvrir. Il est enfoui dans la terre. Jésus seul savait où il se trouve, alors il s’y rendait.
Ce trésor est caché en avant de la charrue. Si tu regardes en arrière, tu regardes à l’opposé du trésor. Si tu regardes en avant devant toi, tu t’approches du trésor, et bientôt tu vas le soulever avec le socle de la charrue.

« Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem ». Cette précision sur le visage de Jésus est intéressante. L’original grec c’est « Jésus durcit sa face pour se rendre à Jérusalem ». En effet, des événements difficiles l’attendent -la passion- : il va être rejeté, condamné, tué. Jésus s’est préparé à souffrir pour nous sauver. L’histoire humaine est prisonnière de la mort, et Jésus vient nous libérer, ouvrir notre avenir, révéler ce, Celui qui est devant nous. Il vient nous redonner Dieu comme Père, et nous redonner à son Père.

Si Jésus n’était pas mort et ressuscité, on pourrait bien faire tous les rites funéraires que l’on veut, ça ne servirait à rien, sinon à constater une défaite, une fin tragique !
Jésus ne perd pas du regard Jérusalem, car de là, de la colline du Golgotha, ravagé, il nous ouvre les cieux, l’éternité, la table et le festin du père, l’héritage des fils et filles de Dieu ! Il place Dieu, la Résurrection devant nous.

Le barreur d’un bateau passe t-il son temps à regarder derrière lui ou devant lui ?

Récemment, de jeunes marginaux ont mis le feu dans un parking sous-terrain à Bordeaux. Des centaines de voitures détruites, les rames de tramway au-dessus qui ne peuvent plus passer. Comme le dit pertinemment Saint-Paul : « Ne confondez pas la liberté avec l’égoïsme : la liberté est amour au service des autres … Sinon vous vous mordez, vous vous détruisez les uns les autres » dit-il.

Jésus appartient tout entier au Père, il est le fils unique de Dieu. Il nous guide et nous rassemble.
Nous avons la capacité chaque jour de le suivre, de creuser notre sillon, de creuser quelques mètres, dizaines de mètres, centaines de mètres, qui nous rapprochent chaque jour du trésor. Bientôt il va sortir à la surface. Et la joie se lira sur les visages.
Aimons Jésus de cette façon là, résolument.

Mercredi, j’ai pu être auprès de ma famille naturelle ; et rentrer à 20 H 30 pour le conseil économique de la paroisse.
La cérémonie des obsèques a été très belle. Elle a manifesté une grande unité et foi en la mort et la résurrection du Christ, autant de la part de la paroisse en Vendée que de ma famille.
Le soir, la réunion du conseil économique a été plutôt agitée sur la question de savoir si on ferait une aide au diocèse pour le séminaire en travaux à Saintes.

Ce jour là, marcher en regardant devant soi et non pas en arrière, c’est dans ma nouvelle famille, sur la paroisse, que ça restait encore à faire.

Amen.