Le prophète Zacharie nous offre une belle porte d’entrée pour saisir le
sens même de ce que nous sommes en train de vivre ensemble aujourd’hui à
l’occasion de cette messe d’action de grâce pour ce que nous avons vécu
ensemble depuis plus de 7 ans. Le prophète annonce en effet la venue du
Roi, préfiguration de la venue de notre Roi de l’univers, le Christ
Jésus, notre Seigneur. Telle est en effet la mission première et
profonde des prêtres envoyés auprès des communautés chrétiennes. Les
prêtres sont appelés à montrer le Christ. Ils ne sont en ce sens que des
serviteurs du Christ. Vous vous rappelez cet adage que j’aimais parfois
citer : le sage montre la lune et l’imbécile regarde le doigt. Le prêtre
n’est pas là pour se faire aimer, ou pour plaire ou encore pour
s’attacher à lui des paroissiens. Il est là pour montrer le Christ et le
donner à travers la célébration des sacrements, la méditation de la
Parole de Dieu ou encore en rappelant qu’en rejoignant les souffrances
des hommes, en se faisant proche des plus pauvres c’est le Christ
lui-même que l’on rejoint. Le prêtre est un maillon d’une longue chaîne
où les uns après les autres, chaque prêtre essaye, avec ce qu’il est,
son caractère, son tempérament, son charisme, sa sensibilité, de remplir
cette mission si belle d’annoncer, de célébrer et de servir le Christ.
Au fond peu importe l’âge du prêtre, sa sensibilité, et même ses
orientations pastorales, pourvu qu’il remplisse cette mission de vous
montrer et vous donner le Christ. C’est cela que vous devez attendre de
lui. Alors permettez-moi, encore une fois de vous parler du Christ et de
vous inviter à l’écouter et à le suivre.

Le Christ, comme nous venons de l’entendre dans l’Evangile, nous apprend
à connaître Dieu notre Père. C’est lui, le Christ qui nous fait
entendre, comme le chante le psalmiste, que Dieu est Seigneur de
tendresse et de pitié, lent à la colère et plein d’amour, que sa bonté
est pour tous…pour tous mes amis. Pas uniquement pour quelques-uns, pour
des privilégiés, mais bien pour tous, à commencer par les plus fragiles,
par ceux qui sont exclus parfois même de nos assemblées, pour ceux qui
ont parfois le sentiment qu’ils ne méritent pas l’amour de Dieu, qu’il
n’y ont pas le droit parce qu’ils ont telles orientations affectives,
parce qu’ils ont pu avoir un parcours cabossé, ou parce qu’ils se sont
perdus en empruntant des chemins ténébreux. C’est la mission de
l’Eglise, à fortiori celle des prêtres et des diacres de rappeler cela
et non seulement de le rappeler mais d’en être témoins par une manière
de vivre le ministère. J’espère, pour ma part, y avoir été fidèle.

Le Christ, comme nous l’avons aussi entendu, est celui qui nous apporte
le repos véritable et qui nous donne sa paix. Il est ce roi qui vient
jusqu’à nous et qui veut faire de notre vie sa demeure. En mettant en
effet le Christ dans notre vie, nous ne sommes pas protégés des épreuves
et des difficultés, et je sais combien beaucoup parmi vous n’ont pas été
épargnés durant ces années. Mais je sais que la présence de Jésus dans
nos vies est source de réconfort et de consolation. Je sais qu’en
accueillant Jésus au cœur de notre vie, la paix est donnée et la force
de tenir et de traverser les difficultés. C’est la mission de l’Eglise,
à fortiori des prêtres et des diacres d’inviter toujours, sans cesse,
chacun à grandir dans une relation personnelle avec Jésus Christ, dans
une vie de prière au-delà même de la messe du dimanche, dans une écoute
de sa Parole, dans une fréquentation des sacrements de vie divine, car,
comme le dit le pape François, _il n’y a pas de motif pour lequel
quelqu’un puisse penser que cette invitation n’est pas pour lui, parce
que personne n’est exclu de la joie que nous apporte le Seigneur. Celui
qui risque, le Seigneur ne le déçoit pas_. J’espère, pour ma part, vous
avoir donné ce goût du Christ et le désir de vous mettre à son école.

Saint Paul dans sa lettre aux Romains nous rappelle que nous avons une
dette envers le Christ : c’est la dette de l’amour. Nous n’oublions pas
en effet le seul commandement que le Seigneur nous a laissé, le
commandement de l’amour. L’enjeu est de taille puisque Jésus nous le
redit : « c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que
tous vous reconnaîtrons pour mes disciples ». C’est la condition
nécessaire, première, fondamentale pour être une communauté paroissiale
missionnaire, appelante, évangélisatrice. Une évangélisation
authentique, durable, demande cette unité de la communauté dans l’amour.
Et pourtant nous redit le pape François dans son exhortation _evangelii
gaudium _: « A l’intérieur du Peuple de Dieu et dans les diverses
communautés, que de guerres ! Entre chrétien, que de guerres, par envie,
jalousie. La mondanité spirituelle porte certains chrétiens à être en
guerre contre d’autres chrétiens qui font obstacle à leur recherche de
pouvoir, de prestige. » A l’intérieur de l’Eglise, que de bavardages,
commérages, ragots en tout genre, même sur les prêtres ! Ce chemin-là
empêche la communauté paroissiale d’être missionnaire. C’est même un
contre témoignage porté au monde. Nous devons apprendre à nous recentrer
sur le Christ, lui qui se laisse voir, monté sur un âne, pauvre, humble,
serviteur de l’amour. C’est la mission de toute l’Eglise, à commencer
par les prêtres et les diacres de faire grandir cette communion dans
l’amour au sein de nos communautés chrétiennes. Je ne suis pas sûr d’y
être parvenu tout à fait. Je sens que cette unité reste fragile,
toujours à consolider. Je vous exhorte mes chères brebis à y veiller.
Lorsque le pasteur s’en va, les loups ne sont jamais loin.

Frères et sœurs, je veux rendre grâce avec vous pour le chemin fait
ensemble. Je reprendrai ici la conclusion de ma relecture de ces 7
années et demi passées au milieu de vous, comme curé, que j’ai publié
dans le journal paroissial : Je garderai de mon passage avec vous bien
des visages, des événements heureux et aussi malheureux. Il y a eu des
décès de membres de la communauté paroissiale, il y a eu des mariages
d’enfants de notre paroisse. Il y eu les baptêmes des catéchumènes, les
confirmations des jeunes et des adultes. Il y a tous ces visages de
jeunes en catéchèse, en aumônerie qui nous invitent à ne pas désespérer
pour l’avenir de notre paroisse. Parmi ces visages, il y a aussi tous
les membres des Equipes Pastorales qui se sont succédés qui ont répondu
à l’appel et avec qui j’ai eu beaucoup de joie à travailler. Qu’ils
soient encore remerciés pour leur confiance, leurs conseils, leurs
présences si riches pour moi et la paroisse. Il y a toutes celles et
tous ceux qui se sont investis aussi bien dans les petites choses, si
importantes, que dans les grands projets. Il y a eu durant ces 7 années
comme un petit brin de folie qui nous a suivis parfois mais qui nous a
permis de vivre de grands moments, d’avoir de grandes audaces. N’est-ce
pas le propre de l’Esprit saint de nous inviter à cette audace ? Durant
ces 7 années, il y a eu aussi des échecs, des erreurs de ma part parfois
dans la gestion de la paroisse, les décisions prises sans concertation
ou trop rapidement. Il y a eu des blessures, celles que j’ai pu
provoquer chez certains et pour lesquelles je leur demande encore
pardon. Il y a eu les blessures que j’ai ressenti moi-même face à tel
propos, telles rumeurs sur mon compte. Ca fait partie du jeux mais il
vaut mieux parfois ne rien dire plutôt que de mal dire ou de dire mal.

Mais vous avez fait de moi un curé heureux. Vous m’avez aidé à
approfondir mon ministère de prêtre. Je comprends mieux aujourd’hui ce
que veut dire être lié à sa paroisse et à ses paroissiens. Un lien qui
demeurera malgré l’éloignement. Un lien qui restera gravé dans mon cœur
pour toujours. Je vous demande une dernière faveur : priez pour moi pour
que je sache être celui que le Seigneur attend, le prêtre qu’il désire
pour son Eglise. Et croyez-le, je vous porte dans ma prière comme une
mère et un père porte dans son cœur son premier enfant, son enfant
chéri.

Ainsi frères et sœurs, mes amis, si les prêtres se succèdent, une chose
est sûre, le Christ, Lui reste et demeure avec vous. Voilà l’essentiel
car comme nous le rappelle le livre des hébreux, _le Christ est le même
aujourd’hui, hier et demain, il le reste à jamais_. Amen

Père Mickaël Le Nezet, curé
Messe d’au-revoir