C’est de la folie ce que nous demande le Christ dans cette page
d’Evangile : aimer nos ennemis et prier pour ceux qui nous persécutent ;
ne pas riposter au méchant. Et si les exemples que Jésus nous donne sont
assez extrêmes, nous percevons bien dans nos propres vies que notre
réaction première devant telle ou telle agression de la part de
quelqu’un, à commencer par un proche, c’est de répondre de la même
manière. Lorsqu’on se sent agressé, et encore plus quand cela est
injuste, on a envie de renvoyer la balle de la même manière qu’elle nous
est venue. Mais l’auteur de la première lecture apporte un élément
supplémentaire lorsqu’il nous dit de ne pas haïr l’autre dans notre cœur
ou encore de ne pas garder de rancune contre l’autre. Car en effet il
n’y a non seulement les réactions extérieures que nous risquons d’avoir
lorsqu’on se sent agressé mais il y a aussi ce qui se passe en nous,
dans notre cœur et qui parfois vient nous faire bien plus de mal.
Souvent, lorsque nous avons été blessé, atteint dans notre cœur, que
nous ayons raison ou tort, souvent nous ressassons, nous ruminons, nous
nous faisons des films, nous nous faisons des scénarios sur ce que nous
aurions envie de dire à l’autre et qui ne font que nous rajouter de la
souffrance et du mal et qui nous rend encore plus dure même si cela ne
se traduit pas par des mots. Alors ce que Jésus nous demande, peut nous
paraître de la folie.
Pourtant saint Paul dans sa lettre aux corinthiens nous invite justement
à devenir des fous pour devenir des sages. Ainsi nous comprenons que la
folie à laquelle le Seigneur nous appelle est paradoxalement un chemin
de sagesse et un chemin de paix. Car il s’agit bien en toute
circonstance de demeurer dans la paix. Cela me renvoie à la parole de
saint Paul que nous lisons dans sa lettre aux Romains lorsqu’il écrit :
« _ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par
le bien _». Rm 12, 21
Au fond, le Christ veut nous expliquer qu’on ne vainc le mal, la
violence, la blessure que par un surcroit de bien, de bonté et d’amour.
C’est la meilleure arme parce que celle-ci désarme les violents. Si nous
répondons à la violence par la violence, à la méchanceté par la
méchanceté, à la haine par la haine, nous entrons alors dans une spirale
infernale qui ne fait qu’en rajouter. C’est en ce sens que ça devient
l’enfer. Il n’y a plus moyen d’en sortir. Ainsi, ne pas riposter aux
méchants comme nous le demande le Christ c’est refuser d’entrer dans une
logique humaine qui détruit. Il s’agit bien de devenir fou et d’entrer
dans la logique de Dieu mais pour devenir sage, pour demeurer dans une
paix intérieure que rien ni personne ne pourra nous enlever, pas même
les épreuves. Pourtant, en acceptant parfois des remarques injustes sans
répondre, en gardant une attitude bienveillante quoi que nous
ressentions, nous pouvons faire l’expérience d’une grande paix
intérieure qui contribue mystérieusement à la paix et au bien de tous.
Facile à dire me direz-vous. Nous sommes en effet humains et nous voyons
bien toutes les difficultés que nous avons à essayer de ne pas riposter
lorsqu’on est attaqué ou à nous défendre lorsqu’on est accusé ou même à
accepter d’être remis en question lorsqu’on a mal fait ou mal dit, car
tout n’est pas la faute des autres. Entre parenthèse, c’est d’ailleurs
quand on pense que ce sont toujours les autres qui ont tort qu’il est
grand temps de s’interroger sur soi. Personnellement je vois bien qui si
ça ne dépend que de moi et de mon self control, ça n’a pas beaucoup de
chance de durer très longtemps. Alors il nous faut accueillir encore ce
que nous dit saint Paul dans sa lettre : « _mais vous, vous êtes au
Christ et le Christ est à Dieu_ ». Cela nous renvoie à la parole du
Christ dans l’Evangile selon saint Jean : « _Celui qui demeure en moi
dit Jésus, et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car
en dehors de moi vous ne pouvez rien faire _». Jn 15, 5 Le secret de la
sagesse est là, dans ce lien essentiel avec le Christ. La paix
intérieure n’est pas le résultat de technique de control de soi, de
séance de relaxation, de zen ou de tisanes miraculeuses. Le secret de la
sagesse nous est donné par celui qui est la Sagesse en personne, le
Christ Jésus. N’est-il pas celui qui a subi tout au long de sa mission,
insulte, accusations injustes, violence, jusqu’à être flagellé, et cloué
sur une croix. Et pourtant face à tant de méchanceté il n’a été qu’amour
et pardon offert. C’est la seule réponse qu’il a donnée. C’est en aimant
et en aimant jusqu’au bout qu’il est sorti de l’enfer, de la haine, du
mal et de la mort. Un amour patient. Un amour fidèle. Un amour
persévérant. Un surplus d’amour offert. Une perfection d’amour. Le
Christ Jésus nous invite à croire en cette puissance d’amour qui peut
tout. Un amour qui dépasse nos amours humains toujours fragiles. Voilà
pourquoi si nous aussi, comme nous y invite Jésus nous voulons être
parfait comme lui est parfait dans l’amour, alors il nous faut nous
attacher à lui, vivre par Lui pour recevoir alors sa grâce, cette
capacité d’aimer. Celle-ci est donnée dans le sacrement de baptême,
alimentée dans le sacrement de l’Eucharistie, fortifiée dans le
sacrement de mariage et dans le sacrement de l’ordre. Car sans Lui en
effet nous ne pouvons rien faire. Amen
Père Mickaël Le Nezet, curé