La page de l’Evangile de Matthieu que nous venons d’entendre en cette
fête de l’Epiphanie est construite en deux tableaux successifs.
Interpellés par l’étoile qui leur est apparue, les mages se mettent à
rechercher le roi. Et dans un premier temps, c’est logiquement à
Jérusalem qu’ils se rendent puisqu’elle est la capitale, et auprès des
responsables politiques et religieux du pays c’est-à-dire dans les lieux
du pouvoir, dans les lieux d’influence. Le roi qu’ils vont rencontrer,
le roi Hérode le Grand est un usurpateur, un homme violent, cruel au
point qu’il n’hésite pas à̀ faire assassiner ses propres fils pour
garder le pouvoir. Lorsque les mages demandent candidement « _où est le
roi des Juifs qui vient de naître _», Hérode commence à s’inquiéter d’un
rival dangereux et le peuple de Jérusalem commence à espérer enfin être
libéré du joug de la tyrannie. C’est sûr, le sang va couler. Nous avons
ici dans ce premier tableau comme un résumé des sentiments qui semblent
diriger notre monde : le pouvoir tenu par les grands de ce monde, la
violence, l’esprit de jalousie et de haine, l’esprit de vengeance, le
rêve de tout résoudre par les armes, les intrigues du pouvoir, les
complots…je vous laisse poursuivre la liste.
Matthieu, cependant, nous a expliqués pendant son premier chapitre que
Jésus est le véritable fils de David, l’héritier légitime. Dans le
deuxième tableau, les mages font se rendre à Bethléem, guidés par
l’Etoile, pour adorer le vrai roi, le berger du peuple d’Israël. Avec
une simplicité déconcertante, l’Etoile désigne l’endroit, Marie est là
avec l’enfant, et les mages se prosternent devant lui, ce petit enfant
encore si fragile, si petit, si dépendant. On est loin des palais de
Jérusalem, du faste royal, des courtisans d’Hérode. Il y a une si grande
simplicité, une si profonde humilité qui se dégagent de la maison où se
trouve l’enfant. On est loin des bruits du monde, des conversations de
salons, des bavardages mondains. Il y a le silence qui révèle La
Présence de l’enfant Dieu. Car, comme l’écrit le cardinal Sarah, dans
son ouvrage, _la force du silence_, les grands mystères du monde
naissent et se déploient dans le silence. L’extraordinaire est toujours
silencieux.
Plus loin le cardinal poursuit : « _Dieu est la simplicité absolue. Plus
nous sommes compliqués, plus nous somme éloignés de Dieu ; dans la
mesure au contraire où nous deviendrons simples, nous pourrons nous
approcher de lui _». N’est-ce pas ce que nous pouvons comprendre avec
les mages venus d’Orient devant l’enfant Jésus. La simplicité permet de
vivre une vraie rencontre. Lorsque tous les artifices que nous déployons
disparaissent, lorsque tous les aprioris que nous imposons
s’évanouissent, lorsqu’enfin nous sortons des apparences, des
protocoles, alors nous nous rendons disponibles pour une vraie
rencontre, nous sommes disponibles pour La rencontre avec Dieu lui-même.
Les mages, revenus à ce simple signe de l’Etoile, à sa vue, ressentent
en effet une si grande joie écrit saint Matthieu. Il y a comme une grâce
de la simplicité à demander et à vivre.
Le roi Hérode, les scribes du peuple et les grands prêtres savaient que
le Messie tant attendu n’était pas très loin, à quelques distances de
Jérusalem, dans le petit village de Bethléem. Ils le savent, ils l’ont
lu dans les livres, ils l’ont appris à l’école rabbinique mais ils n’y
vont pas. Les mages, eux ont cette simplicité de s’y rendre, de se
prosterner devant l’enfant et aussi d’apporter des offrandes. Chaque
jour dans cette ville de Surgères et dans les alentours, Jésus se donne
dans l’Eucharistie, chaque 1er vendredi de chaque mois il se laisse
contempler dans le temps de l’Adoration, chaque samedi il se tient à
notre disposition dans le sacrement de la réconciliation, chaque mois il
se laisse entendre dans les maisons d’Evangile, chaque jour il se laisse
rejoindre dans les plus petits, les plus pauvres et les plus fragiles.
Nous le savons nous aussi. Nous l’avons appris dans notre catéchisme,
nous l’avons lu dans les Evangiles : « _ce que vous aurez fait à l’un de
ces petits qui sont mes frères c’est à moi que pour l’aurez fait_ » et
encore « _si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous
ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange
ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui _»
et enfin « _Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de
Dieu et qui la mettent en pratique _», et pourtant, souvent, comme à la
cour de Jérusalem nous nous laissons prendre par les occupations du
monde sans prêter attention à Celui qui est là présent livré pour nous,
à Celui qui là et qui veut nous parler, à Celui qui là et qui a besoin
de nous. Frères et sœurs, les mages nous bousculent et nous interrogent,
que sommes-nous prêts à faire pour aller vers Jésus, que sommes-nous
prêts à quitter, à quel dépouillement sommes-nous invités pour le
rejoindre, recevoir, l’aider. Laissons-nous interroger en ce début
d’année. Comme les mages, osons les déplacements nécessaires, les
renoncements indispensables, les choix qui nous feront découvrir la
vraie joie qui nous fera avancer vers de nouveaux chemins ? Amen
Père Mickaël Le Nezet, curé