Qui un jour n’a pas prononcé les paroles du prophète entendues dans la 1ère lecture : « Combien de temps Seigneur vais-je t’appeler, sans que tu entendes ? ». N’est-ce pas le sentiment que nous pouvons avoir à des moments de nos vies lorsque nous avons l’impression devant les épreuves qui nous arrivent que Dieu se tait, que Dieu est absent, que Dieu est indifférent ? Devant nous, poursuit le prophète il n’y a que mal, misère, violence et discorde qui se déchaînent. C’est ce que nous pouvons encore dire au Seigneur lorsque nous constatons toutes ces violences, ces guerres comme en ce moment en Syrie, en Irak ou encore ce drame des migrants qui échouent sur nos côtes ?

On peut comprendre que certains perdent la foi, la foi en la présence de Dieu, la foi en son action, la foi en son amour. Et finalement nous en arrivons facilement à mettre Dieu lui-même en accusation devant son indifférence et pire encore, son impuissance. Mais en quel Dieu croyons-nous au juste ? J’ai parfois l’impression que nous croyons plus en un super héros qu’au Dieu de Jésus Christ. Et ce qu’on attend de fait d’un super héros c’est qu’il puisse par sa force transformer les choses, rétablir l’ordre, punir les coupables en utilisant ses pouvoirs magiques. Voyez tous ces héros justicier Zorro, Badman…Et lorsque le super héros ne répond plus à nos attentes, à nos désirs alors on s’en détourne. C’est un peu ce qui se passe pour ceux qui s’éloignent de Dieu parce qu’il n’a pas répondu à leurs appels, parce qu’il n’a pas guéri la personne malade, parce qu’il n’a pas empêché telle ou telle catastrophe. Mais ce dieu là qu’ils rejettent, n’est pas le Dieu en qui nous croyons. Dieu n’est pas au-dessus de nous comme un super héros attendant qu’on l’appelle pour intervenir. Dieu n’a pas des pouvoirs magiques pour intervenir dans nos vies quotidiennes comme le cavalier surgissant au bout de la nuit. Dieu n’est pas un être suprême au-dessus des autres êtres, tout en haut d’une échelle de valeur.

Dieu n’est pas une chose parmi d’autres. Il est l’origine, le principe de toutes choses. Dieu habite toute chose, comme il habite chacune de nos vies. Dieu n’est pas un concurrent contre lequel il faudrait se battre pour exister ou même le nier pour exister. Dieu n’est pas une divinité qu’il faudrait amadouer, à qui il faudrait faire plaisir pour mériter son attention et ses faveurs. Dieu n’est ni contre nous, ni au-dessus de nous. Mais Dieu est avec nous.

Dire que Dieu est avec nous c’est reconnaître ainsi que toute chose est d’inspiration divine, voulue par Dieu. Voilà pourquoi nous sommes responsables de cette terre, parce que celle-ci est l’œuvre de Dieu et mérite ainsi d’être protégée, d’être respectée. Le pape François le rappelait dans son encyclique laudato si : « la nature est une source constante d’émerveillement et de crainte. Elle est une révélation continue du divin. » Mais dans cette œuvre de création, l’homme a une place unique, particulière. Dieu l’a voulu un peu moindre qu’un dieu chantera le psalmiste. Et nous comprenons alors que l’homme n’est pas une chose que l’on pourrait manipuler, transformer à notre guise ou même marchander. L’homme n’est pas une chose sur laquelle d’autres hommes auraient un pouvoir de domination. L’homme est le chef d’œuvre de Dieu. Saint Paul le rappelle à son ami Timothée dans la deuxième lecture, en l’homme il y a le souffle de Dieu, son Esprit de vie. Voilà pourquoi l’homme est un être sacré. Il y a quelque chose de divin en lui.

Et l’homme reçoit ainsi au cœur de la création une mission particulière. C’est à lui que Dieu confie la responsabilité de travailler à la construction du Royaume de Dieu. Dieu fait de l’homme son partenaire privilégié pour parvenir à faire de ce monde ce qu’il doit réellement être, un monde où les relations entre les humains sont fraternelles, respectueuses. Et cela commence par des petites choses comme nous accepter les uns les autres, tels que nous sommes. Cela signifie aussi que nous sommes appelés à mettre aux cœurs de nos préoccupations les plus petits, les plus fragiles, les plus pauvres. Cela se traduit enfin par une capacité à rejoindre ceux qui sont loin, pas seulement d’une manière géographique mais ceux qui n’ont pas encore la chance de connaître la Bonne Nouvelle du Ressuscité.

La tâche peut nous paraître immense, voire impossible. Nous nous sentons tellement petit devant cette responsabilité que Dieu nous a confiée. Nous avons le sentiment que nous ne sommes pas les plus compétents pour cela, pas les mieux formés. Et un peu comme les disciples nous voulons dire au Seigneur : « Augmente en nous la foi ».

L’acte de foi à poser est assez simple. Croyons-nous réellement au don qui nous a été fait lors de notre baptême ? Croyons-nous vraiment que Dieu a déposé en nous son Esprit celui-là même qui est force, conseil, sagesse, intelligence pour agir. Si nous croyons vraiment que c’est bien cela que Dieu nous a donné, alors il nous faut nous mettre en mouvement, nous donner sans peur en agissant comme si tout dépendait de nous mais en priant sans cesse comme si tout dépendait de Dieu. Et nous verrons alors que nous serons capables de déplacer des montagnes, non par nos propres forces mais par la force, la grâce de Celui qui habite nos vies de sa présence. Amen

Père Mickaël Le Nezet, curé