Il y a quelque temps, l’Evangile nous invitait à nous asseoir, pour devenir disciple de Jésus dans une attention à sa Parole, dans une attitude d’humilité, au service de nos frères. « Commencer par s’asseoir » pour entrer dans la volonté même de Dieu. Aujourd’hui, c’est une autre attitude à laquelle le Seigneur nous invite.

Dans l’Evangile en effet, on perçoit que l’homme riche, vêtu de pourpre a passé sa vie terrestre sans se préoccuper de celles et ceux qui l’entouraient, à commencer par le pauvre Lazare. Ce n’est pas tant sa richesse qui est pointée du doigt mais plutôt son indifférence, comme celle décrite dans le livre d’Amos : « Voilà un homme qui a vécu bien tranquille sans se tourmenter du désastre d’Israël ». Et voilà que cet homme, au séjour des morts, raconte Jésus, commence enfin à lever les yeux. C’est l’attitude à laquelle le Seigneur nous invite. Il s’agit de lever les yeux, et ceci de trois manières.

Tout d’abord, lever les yeux pour sortir de soi, pour se décentrer de soi-même et s’ouvrir aux autres, à la vie et à la présence des autres, au monde. Nous risquons parfois en effet de nous fermer, de nous replier, de nous satisfaire de notre quotidien, de notre confort, de nos habitudes et même du confortable critère pastoral du « on a toujours fait ainsi » comme l’écrit le pape François. Il s’agit de lever les yeux pour sortir de nos certitudes, de nos modes de penser, de notre vérité que nous risquons parfois d’absolutiser, de nos manières de faire et même de prier. Le chrétien n’est jamais dans une position statique mais toujours en mouvement, en perpétuelle remise en cause. Il s’agit ainsi de ne jamais s’installer au risque à un moment de sentir le renfermé.

Ensuite lever les yeux pour être capable de voir autour de soi le plus petit, le plus pauvre, le blessé de la vie. Il s’agit de ne pas être indifférent à la misère d’autrui, à la souffrance de celles et ceux qui attendent consolation, miséricorde. Reconnaissons qu’il nous est parfois plus confortable de ne pas trop regarder autour de nous pour ne pas nous laisser déranger, déstabiliser pour celui qui a besoin de notre aide, quelque soit d’ailleurs la nature de cette aide. La culture du bien-être nous anesthésie. L’autre n’est pas un pauvre. L’autre n’est pas un étranger. L’autre n’est pas un handicapé. L’autre n’est pas un SDF. L’autre n’est pas un repris de justice. L’autre est d’abord un frère en Christ et un frère dont je suis devenu responsable au nom de mon appartenance au Christ. Résonne pour nous ici l’interpellation de Dieu faite à Caïen au sujet de son frère Abel : « Qu’as-tu fait de ton frère ? ». « Notre engagement ici rappellera le pape François dans l’exhortation Evangelii gaudium, ne consiste pas exclusivement en des actions ou des programmes de promotion et d’assistance ; ce que l’Esprit suscite ce n‘est pas un débordement d’activisme, mais avant tout une attention à l’autre qu’il considère comme un avec lui ». Mes amis, que faisons-nous de nos frères et sœurs, ces hommes et ces femmes qui vivent autour de nous ? Particulièrement celles et ceux qui sont âgés, isolés, malades. Que faisons-nous de nos frères qui souvent attendent une présence réconfortante, une attention consolante, une visite, un partage en profondeur comme celui que nous proposons dans les maisons d’Evangile? Quel petit engagement sommes-nous prêts à prendre pour porter dignement le nom de chrétien ? Le Seigneur ne nous l’a-t-il pas dit: « c’est à l’amour que vous aurez pour vos frères qu’on vous reconnaîtra comme mes disciples » ?

Enfin lever les yeux pour nous emparer écrit saint Paul de la vie éternelle. Cela veut dire lever les yeux pour regarder aux choses invisibles qui demeurent, les choses visibles n’ayant qu’un temps. Lever les yeux pour nous rappeler que notre vie ne se réduit pas à des questions matérielles, car celles-ci passeront. Nous sommes appelés à quelque chose de plus grand, à la communion avec Dieu dans l’amour. Seul l’amour est éternel. Seul l’amour nous ouvrira les portes du ciel. Notre vie n’est ainsi pas de l’ordre du faire, mais de l’ordre de l’être et ainsi celui qui est amour est déjà en Dieu, la vie éternelle lui est promise. Ainsi, lever les yeux vers Dieu est un chemin de vie et de libération. Mais lever les yeux vers Dieu, c’est aussi nous rappeler avec force et avec foi que Dieu existe, que Dieu est. Fixer notre regard vers Dieu c’est croire que Dieu ne meurt pas et qu’il est là avec moi, tout près de moi à tout moment de ma vie, dans les moments de joie comme dans les moments d’épreuves, dans les moments tranquilles comme dans les moments inconfortables de la vie.

Alors comme l’écrit le psalmiste demandons au Seigneur de nous ouvrir les yeux pour parvenir selon l’oraison au bonheur du ciel. Amen

Père Mickaël Le Nezet, curé.