« Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm ; fais donc de même ici dans ton lieu d’origine ». On a l’impression que la communauté synagogale de Nazareth est jalouse de ce que Jésus fait et a fait dans celle de Capharnaüm, une synagogue sans doute plus ouverte sur l’extérieur, plus accueillante à la diversité. « Pourquoi est-il allé chez eux ? Pourquoi là-bas il a fait plus de guérisons qu’ici ? Pourquoi est-il allé manger chez des pécheurs alors qu’il ne vient pas chez nous… » Et ce sentiment qui nait dans le cœur des membres de la synagogue devient comme un poison pour l’unité de la communauté et pour la mission de Jésus. Et nous voyons comment cette jalousie va faire passer les occupants de la synagogue très vite de l’admiration à la violence jusqu’à vouloir faire tomber Jésus et le faire mourir. C’est ce qui se passe quand nous nous laissons aller à la jalousie, à la rancœur, à l’amertume. C’est ce qui se passe quand on commence à regarder les autres avec suspicion, à envier ce qu’ils sont, ce qu’ils font. Oh certes nous n’en sommes pas encore à tuer physiquement mais nous sommes capables de tuer par des mots, des ragots, des rumeurs que l’on fait courir, des comportements qui ne sont pas évangéliques. Et nous en sommes tous capables un jour ou l’autre.
Et voilà qu’en cette année de la miséricorde, nous sommes appelés à une conversion personnelle et communautaire. Et pour cela, Saint Paul nous propose une de ces plus belles lettres pour nous éclairer et nous encourager. Si la jalousie nait de l’insatisfaction, de la comparaison, saint Paul écrit qu’au fond le plus important ce n’est pas ce que nous faisons, nos talents, nos compétences, nos missions, nos fonctions. Nous pouvons être de très grands prophètes, nous pouvons parler toutes les langues, nous pouvons être généreux, donner notre argent, notre temps, notre énergie, nous pouvons même connaître par cœur notre catéchisme…ce n’est pas ce qui est le plus important ou plutôt ce n’est pas ce qui nous permet « d’être » vraiment. Non pas tant ce que nous faisons, ce que nous sommes, les titres qui sont les nôtres, les fonctions que nous occupons. Cela ne sert à rien nous dit saint Paul s’il n’y a pas l’amour. A la fin le bon Dieu ne nous demandera pas si nous avons eu une belle carrière, si nous avons laissé une belle fortune à nos descendants, mais si nous avons vraiment aimé. Et c’est alors que des premiers selon les critères humains seront derniers et des derniers seront premiers.
Aimer nous dit saint Paul c’est le plus important. Mais alors, lorsque je regarde l’amour décrit par saint Paul, je sens un certain malaise en moi. Car nous dit saint Paul, celui qui aime est patient, ne jalouse pas, ne s’emporte pas, n’entretient pas de rancune, supporte tout, ne cherche pas son intérêt, fais confiance en tout, endure tout…Que cet amour semble impossible mes amis ! Un tel amour n’est pas humain ! Qui peut honnêtement se dire déjà parvenu à ce degré d’amour ? Dieu nous condamne-t-il dès à présent à un amour impossible ?
En fait je prends conscience que le véritable péché ce n’est pas tant de mal aimer, de ne pas y arriver. Nous avons compris que nous sommes en chemin mais nous croyons en même temps que Dieu est patient. Le véritable péché c’est de ne pas accepter que seul nous n’y parviendrons pas mais que nous avons besoin, grand besoin de revenir vers Celui qui est la source de l’amour véritable. Car l’amour dont nous parle saint Paul n’est pas humain, il est un amour divin, le chemin par excellence qui est donné, qui est offert par notre Seigneur, Père des miséricordes. Alors mes amis, ne soyons pas découragés de voir qu’il n’est pas facile d’aimer, qu’il n’est pas facile de pardonner, mais soyons encore plus encouragés à venir vers Celui qui est, dit le psalmiste, notre rocher, notre forteresse, notre roc. Choisissons-le comme notre refuge, notre espérance. Précipitons-nous vers Lui, dans une plus grande présence à sa Parole, à sa présence Eucharistique, à son pardon dans le sacrement de la réconciliation. Rappelons-nous, le plus grand péché n’est pas tant de mal aimer que de croire que nous n’avons pas besoin de Lui, que nous pouvons nous passer de Lui, que nous pouvons faire sans Lui. Car si nous nous disons cela c’est que nous nous prenons pour plus fort que Lui et c’est à ce moment-là que nous commençons à devenir dangereux pour nous-même et pour la communauté. C’est à ce moment-là que des sentiments d’amertume, de colère, de jalousie naissent dans nos cœurs.
« Frères et sœurs, nous dit saint Paul, recherchez avec ardeur les dons les meilleurs ». Mes amis, ces dons, l’Eglise vous les offre, ne vous en privez pas. Amen.
Père Mickaël, curé.