Les textes que la liturgie propose à notre méditation m’invitent à vous parler aujourd’hui d’une préoccupation qui est la mienne dans ces temps qui sont les nôtres pour notre Eglise.
La veuve de Sarepta dans le livre des Rois est une femme âgée et veuve. La vie semble avoir quittée son cœur. C’est comme s’il n’y avait plus d’espérance en elle : « Nous mangerons le pain puis nous mourrons » dit-elle au prophète Elie. Elle n’a plus rien dans ses réserves, juste un peu de farine et un peu d’huile. Il lui reste son fils, qu’elle doit sans doute chérir plus que tout puisqu’il est sa seule richesse, mais quelques versets plus loin on découvrira aussi que ce fils, atteint d’une maladie violente mourra. Il ne semble plus y avoir de perspective d’avenir.
En méditant cette scène biblique, je pensais à l’Eglise. Elle peut nous sembler parfois être un peu comme cette vieille femme qui a perdu l’espérance. L’avenir semble si incertain. Dans beaucoup de diocèses la situation financière inquiète, le manque de prêtres mais aussi de laïcs formés et assumant des responsabilités rend l’animation des paroisses plus difficile. Nous voyons bien que les jeunes générations pour diverses raisons ont du mal à être rejointes par l’Eglise. Notre langage ne semble plus être compris et nos liturgies dépassées. Elles rassemblent encore un certain nombre de personnes, souvent âgées mais lorsque celles-ci ne seront plus là, qui restera-t-il ? J’ai parfois l’impression, comme cette veuve de Sarepta, que nous attendons la mort au lieu de croire encore à la vie, nous tenons encore ce que nous pouvons tenir mais avec difficulté. Notre Eglise se referme sur elle-même avec encore l’illusion de servir à quelque chose à travers les demandes qui lui sont faites mais au fond pour si peu de personnes.
Cette scène biblique rejoint aussi nos propres vies. Les épreuves de la vie, les difficultés peuvent nous avoir fait perdre l’espérance d’un lendemain meilleur, d’un bonheur possible pour nous. A travers les visites que je peux faire je prends conscience des souffrances subies par beaucoup et qui ont fragilisé leur vie. Dans le cœur de beaucoup il n’y a plus de joie, il n’y a plus d’espérance mais souvent beaucoup d’amertume, de rancoeur et de lassitude.
Faut-il se résigner, s’accrocher à ce qui nous reste ou y-a-t-il une porte qui nous ouvre à une espérance ? La Parole de Dieu encore aujourd’hui nous en ouvre une qui nous invite non pas au découragement, à la résignation, à l’abandon mais à l’espérance et à la joie. La veuve de l’Evangile que nous invite à regarder Jésus est l’image parfaite de ce que Jésus est lui-même. Le Christ s’est donné totalement, entièrement et pour toujours. L’auteur de la lettre aux Hébreux nous le dit, le Christ s’est offert une fois pour toute. Oui, en donnant sa vie par amour le Christ n’est pas resté cloué sur une croix, le Christ n’est pas resté enfermé dans le tombeau de l’épreuve, de la souffrance et de l’échec. Le don de lui-même par amour a été la porte qui a ouvert le ciel, qui a ouvert l’espérance et cette porte ne se refermera plus jamais, le Christ est ressuscité, le Christ est vivant. Voilà notre espérance mes amis. Le Christ est vivant, réellement présent au milieu de nous, mieux encore, en chacun de nous. Voilà notre force. Nous ne sommes pas seuls. Le Christ est avec nous, son Esprit habite nos cœurs, toute notre vie. C’est le plus grand trésor que nous ayons et nous n’en avons pas toujours conscience. C’est un trésor inestimable. Ce ne sont pas les choses extérieures qui sont notre véritable richesse – vêtements d’apparat, pouvoir humain, reconnaissance sociale, prestige de l’uniforme, placements immobiliers, que sais-je encore. Notre véritable trésor, c’est Jésus Christ, mort et ressuscité, vivant au milieu de nous. Nous avons une puissance de vie et d’amour en nous qui ne demande qu’à être utilisée ! Alors la veuve de l’Evangile nous interroge ce matin : « Que faisons nous de ce trésor qui est le Christ ? Sommes-nous comme cette veuve de l’Evangile ? Donnons-nous le Christ ou l’enfermons nous dans nos Eglises comme un trésor du passé ? Si le Christ est vivant, si le Christ est Lumière, si le Christ est chemin et vie pourquoi ne pas le donner aux hommes et aux femmes qui vivent autour de nous ?
Lorsque nous visitons les personnes seules, malades, comme beaucoup le fond dans la paroisse, c’est Jésus vivant en nous qui par nos gestes et nos paroles se rend proche. Lorsque nous nous retrouvons avec des voisins, des connaissances pour partager la parole de Dieu comme beaucoup le fond dans les maisons d’Evangile, c’est Jésus qui est au milieu de nous et qui par nos paroles, nous parle. Lorsque nous accueillons des personnes qui ne sont pas dans les clous comme on dit, ceux qui sont montrés du doigt, exclus, jugés c’est Jésus vivant qui en fait, à travers notre cœur les regarde avec amour. En choisissant de nous donner aux autres comme nous le faisons, même si ce que nous faisons ne nous paraît si important, même si aux yeux du monde ce n’est pas grand chose et bien cela est grand. Jésus est en nous par son Esprit et nous sommes ces membres, ses mains, ses yeux, sa bouche, ses bras, ses oreilles. En en faisant des instruments au service des autres, alors c’est Jésus lui-même qui agit par nous. Voilà pourquoi en nous engageant ainsi, en passant par cette porte du don, nous n’avons pas à avoir peur puisque c’est le Christ qui œuvre. Voilà pourquoi nous n’avons pas peur des changements à venir dans l’Eglise car, celle-ci a un avenir qui passe par le don généreux de nous-mêmes sûr que le Christ agira avec nous et par nous. N’ayons pas peur de le donner au monde. Amen.
Père Mickaël Le Nezet, curé.