La demande de Jacques et Jean m’a interpellé. « Donne nous de siéger l’un à ta droite et l’autre à gauche, dans ta gloire ». Ils se voient bien Jacques et Jean entourant Jésus, assis sur son trône de gloire. Mais cette image se superpose dans ma tête avec une autre image et celle-là bien réelle. Jésus aura bien à sa droite et à sa gauche deux hommes mais en guise de trône il sera cloué sur une croix entourée de deux bandits. Ils ne savent pas, Jacques et Jean, en effet ce qu’ils demandent. Le Christ propose aux disciples un chemin qui est bien différent de celui qu’ils avaient pu imaginer. En guise de trône, une croix et comme compagnons, deux bandits, deux pécheurs.

Le Christ vient bousculer nos manières humaines de penser et d’agir. Il vient déplacer nos tentations à vouloir commander, à vouloir dominer, à vouloir posséder. Il vient déplacer nos logiques humaines pour passer de la logique de l’égoïsme, de la jalousie, de la fermeture, de l’affrontement, de la division, de la supériorité à la logique divine de la gratuité, de l’accueil, de la bonté, du pardon, du service, de l’amour. « Les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous il ne doit pas en être ainsi » dit-il à ses disciples.

Sur son trône de bois, le Christ s’est mis au même rang que les malfaiteurs, au même niveau que les plus fragiles et les plus faibles. Il a choisi son clan. Il n’est pas du côté des puissants. Il n’est pas du côté de ceux qui se croient parfait. Il n’est pas du côté de ceux qui se donnent bonne conscience parce qu’ils observent scrupuleusement les lois judaïques de l’époque. Il est avec ceux qui n’ont pas eu tout bon dans leur vie, avec ceux qui sont rejetés ou condamnés, avec ceux qui étaient moqués ou montrés du doigt, avec ceux qui ont besoin de miséricorde parce qu’ils savent bien qu’ils ont fait des erreurs. Oui, comme l’écrit l’auteur de la lettre aux hébreux nous avons ainsi en Jésus un grand prêtre capable de compatir à nos faiblesses. Le Christ nous enseigne que la mesure de l’amour de Dieu pour tous les hommes, est d’aimer sans mesure, est d’aimer sans condition. « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé » demande Jésus aux disciples Jacques et Jean. Mes amis, acceptons-nous, nous aussi, de plonger dans cette logique divine de l’amour sans mesure ? Sommes-nous prêts à boire à la même coupe ? Avons-nous soif d’aimer ainsi sans mesure, sans limite, sans exception ?

Je me rends compte dans les échanges que je peux avoir que ce n’est pas facile d’aimer ainsi sans mesure. Il n’est pas facile de pardonner à ceux qui nous ont offensés, blessés et parfois même condamnés injustement. Il n’est pas facile de regarder les autres sans les juger, sans les enfermer dans ce que l’on croit savoir d’eux. Mais je perçois aussi dans les confidences qui peuvent m’être faites qu’en ressassant ces difficultés, qu’en s’enfermant dans la rancœur, dans la colère, dans la violence et parfois la vengeance, il est impossible de trouver la paix, il est impossible de vivre heureux. Extérieurement tout semble aller mais en fait dans notre cœur, ce n’est pas la paix.

Écoutons ce que nous dit l’auteur de la lettre aux hébreux : « Avançons-nous avec assurance vers le trône de la grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours ». Quelle parole d’espérance mes amis ! Recevoir la grâce de son secours ! Le trône de la grâce dont il est question c’est le lieu où le Christ se donne à nous sans mesure, dans le sacrement de l’Eucharistie lors de la messe mais aussi lorsqu’il est exposé comme ici une fois par mois chaque 1er vendredi à partir de 17h, dans le sacrement de la réconciliation mais aussi le service des plus pauvres, dans les œuvres de miséricorde que nous sommes invités à vivre. Oui il y a un lieu où la grâce divine se donne sans mesure, une grâce de paix, grâce de pardon, grâce d’amour, grâce de vie. Saint Jean Paul II disait combien il était important, urgent même d’allumer cette étincelle de la grâce de Dieu pour transmettre au monde le feu de la miséricorde car, dans la miséricorde de Dieu le monde trouvera la paix, et l’homme trouvera le bonheur.

Voilà ce que le Seigneur fait pour nous, pour que nous grandissions dans la paix et la joie, pour nous rendre alors capables d’aimer de l’amour dont il nous aime. Il nous propose une source dans son Eglise, l’Eucharistie, la Réconciliation, le service des plus petits car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. Mes amis, en ce dimanche pour les missions, plongeons en toute confiance dans cette source de vie que nous propose le Christ car c’est ainsi que nous deviendrons les disciples-missionnaires dont l’Eglise a besoin pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Amen.

Père Mickaël Le Nezet, curé.