Pendant les années où nous étions préparés à devenir prêtres, l’un de nous était bègue. Les mots étaient bloqués, ça sortait pas.

Le supérieur du séminaire décida de l’envoyer chez un orthophoniste.

De semaine en semaine, de mois en mois, nous entendions l’évolution, et nous étions heureux pour lui. La première fois où il a prêché, c’était une victoire.

Aujourd’hui, l’évangile nous montre Jésus guérissant un sourd-muet. Il se sert de ses doigts, de sa salive, et avant de dire « ouvre-toi », Jésus « soupira ».

Pourquoi ce « soupir » ?… première question.

Jésus est venu nous sauver, mais c’est une opération encore plus difficile pour lui que pour nous !

Pour un bègue c’est énervant, frustrant, renfermant de ne pas arriver à s’exprimer. C’est une souffrance.

Celle de Jésus est encore plus grande car il a pris sur lui le péché du monde.

Mais Jésus ne regarde pas à sa souffrance. Il regarde son Père du Ciel.

Jésus a en lui un amour divin, infini, tout-puissant, qui le presse. Il vient apporter la libération, la joie, triompher de la mort, alors il supporte ce moment d’épreuve, de confrontation avec la maladie, la souffrance.

Ensuite, c’est la victoire, la joie, comme celle d’entendre notre ami bègue devenu plus à l’aise.

Cet Évangile nous presse de donner à Jésus nos « soupirs », déceptions, peines.

Une rentrée paroissiale ne se fait pas sans « soupir », sans prise de conscience de nos infirmités et d’infirmités autour de nous.

Mais cela ne doit pas nous décourager, car Jésus est la Vie : versons nos peines avec le vin du calice, confions-nous à la puissance de Dieu.

Chaque jour notre âme peut s’unir à la sienne.

Son âme fut en proie à tous les maux, mais libre de la liberté de Dieu, puissante de la puissance de Dieu, joyeuse de la joie de Dieu : il nous l’offre, pleine, débordante!

Bizarrement dans cet Évangile Jésus fait entendre et parler un sourd muet, et il demande aux gens bien-portants de se taire..!

L’évangile selon Marc est connu pour ça : souvent Jésus y ordonne le silence, de ne « rien dire à personne ».

Pourquoi garder le silence ? Deuxième question.

Il y a des choses tellement grandes, des miracles tellement beaux, que nous avons probablement besoin de temps pour les assimiler.

Marie elle-même méditait dans son cœur les faits et gestes de Jésus. Elle a raconté ensuite, mais elle a médité avant.

Parce que cela doit passer par notre cœur.

Si ça ne passe pas par notre cœur, alors nous aurons un cœur mais sans arriver à nous en servir. On sera comme le bègue avec sa bouche et avec ses mots : il a tout mais il arrive à rien ou mal.

Avoir un cœur et ne pas arriver à bien aimer ou bien se laisser aimer…. quelle infirmité !

Devant celle-là nous sommes égaux.

Jésus ne vient donc pas pour une minorité mais pour tous.

Tous nous avons besoin de ce silence, ce temps sans rien, apparemment perdu, mais où nous gagnerons un cœur à la ressemblance de celui de Jésus et Marie.

Puissent nos cœurs battre cette année à l’unisson du Christ et de sa mère, pour soupirer avec Jésus, et ensuite agir avec la grâce que l’Esprit saint nous donnera.

Quand Jésus soupire devant le sourd-muet, il nous apprend à porter notre croix.

Quand Jésus fait un miracle, il nous place dans le silence du plus beau : sa Résurrection.

Amen!